• SI TOUT ETAIT FAUX

    Jane Birkin    (1999)

    Il est toujours périlleux de parler de chef-d'oeuvre, et puis pourquoi celui-là et pas un autre ? Parfois, pourtant, l'évidence s'impose. Est-ce la conjonction miraculeuse entre la voix de Jane Birkin, interprète inspirée retrouvant enfin, pour cette unique fois, l'équivalent d'un Gainsbourg, et la composition de Gérard Manset, auteur de génie à l'originalité inentamée ?

    Est-ce aussi le mystère d'un texte qui oscille entre l'ésotérique et le trivial ? Ou bien l'écriture quasi automatique, où "paisible" rime avec "fusible", où la certitude qu'"un matin tout arrive" fait passer du "faux" au "rond", en un hymne hypnotique emporté par le volume d'un son dont les harmonies ne ressemblent à aucune autre. Il faut se contenter d'écouter, comme diront, non sans justesse cette fois, nos amis contempteurs de toute analyse.

     

    Paroles

    Et si tout était faux

    Qu'on avait ce qu'il faut

    Pour être heureux

    L'homme vit dans sa demeure

    Il y vit il y meurt

    Il y fait des enfants

    Ailleurs c'est différent

    Mais là tout est paisible

    Ni compteur ni fusible

    Par tous les temps

    Le malheur invisible

     

    Long

    La rive

    Mais un matin tout arrive

    Avec le goût de vivre

    Les fanfares et les cuivres

     

    Et si tout était faux

    Sans que nul ne le dise

    Nul ne le dise

    Nul ne le sache

    Byzance ou Venise

    La vérité se cache

     

    Long

    La rive

    Mais un matin tout arrive

    Avec fanfare et cuivres

    Avec fanfare

     

    Et si tout était rond

    Comme le potiron

    Le potiron

    Le ventre d'une mère

    Sans coton sans éther

    Mais les jours s'en iront

    Comme tourne la Terre

     

    Long

    La rive

    Mais au matin tout arrive

    Avec fanfare et cuivres

    Avec fanfare...

    Long

    Long

    La rive


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  • SALVE REGINA

    Hervé Cristiani    (1982)

    De Cristiani, on se souvient surtout de IL EST LIBRE, MAX, qui fit les beaux soirs des karaokés au début des années 80. Plutôt que ce tube très connu, j'ai préféré vous proposer ce SALVE REGINA qui n'a pas de rapport avec le cantique traditionnel du même titre...

    Encore que... les références religieuses à ces"madones", à ces "hommes qui prient", à cet évangélique "Vade retro satanas", entrecroisent les rites des sorcières et magiciennes, en "un va-et-vient infernal /entre le bien et le mal"... entre lesquels le chanteur refuse de choisir, constatant que "les diables et les dieux se mélangent" avant de souhaiter "qu'ils se reposent" !!

    Un refrain entraînant, un son alerte, un texte sans mystère mais non sans poésie, une interprétation pétulante... Regrettons que cet auteur-compositeur-interprète doué ne soit pas davantage reconnu. Né en 1947, il a pourtant enregistré des disques de 1972 à 2008. La note finale n'est pas gaie : Hervé Cristiani est mort en 2014 d'un cancer des cordes vocales.

     

    Paroles

    Grand seigneur côté coeur 
    Serviteur côté corps 
    Au fond de l´homme, rien ne change 
    Les diables et les dieux se mélangent 

    Quand les anges s´affrontent 
    Sur leur terrain magique 
    Y a des fumées qui montent 
    Des grottes maudites 
    Quand la Gorgone ordonne 
    Croque, croque la pomme 
    Dans le giron des madones 
    Les hommes frissonnent 

    Salve Regina 
    Vade vade retro satana 
    Entre le bien et le mal 
    C´est le va-et-vient infernal 

    Grand seigneur côté coeur 
    Serviteur côté corps 
    Au fond de l´homme, rien ne change 
    Les diables et les dieux se mélangent 

    Sur le flanc des montagnes 
    Y a des hommes qui prient 
    Bienheureux ceux qui gagnent 
    L´oubli de l´envie 
    Mais sous les sapins noirs 
    Y a les yeux des vipères 

    Qui regorgent d´espoir 
    Dans leurs repaires 

    Salve Regina 
    Vade vade retro satana 
    Entre le bien et le mal 
    C´est le va-et-vient infernal 

    Au banquet du pouvoir 
    Y a des fauves qui grognent 
    Pour un morceau de gloire 
    Un bout de charogne 
    Mais dans les jardins tranquilles 
    Y a des femmes courbées 
    Qui regardent immobiles 
    Les fleurs se faner 

    Salve Regina 
    Vade vade retro satana 
    Entre le bien et le mal 
    C´est le va-et-vient infernal 

    Salve Regina 
    Juste un p´tit blues et puis on s´en va 
    Entre le bien et le mal 
    Oh, c´est pas encore le deal idéal 

    Grand seigneur côté coeur 
    Serviteur côté corps 
    Entre autres choses, je propose 
    Que les diables et les dieux se reposent


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  • THIS TOWN AIN'T BIG ENOUGH FOR THE BOTH OF US

    Les Sparks     (1974)

    "Cette ville n'est pas assez grande pour nous deux ! Et ce n'est pas moi qui partirai..."  L'admonestion classique du western sert de leitmotiv à cette composition des incroyables frères Mael - Ron étant l'auteur moustachu chaplinesque et Russell le chanteur androgyne à la voix haut perchée. Des envolées délirantes sur un texte qui ne l'est pas moins et s'avère pratiquement intraduisible, en firent le tube incontournable de 1974.

    Je me souviens... (un petit coup de Perec) du concert des étincelants Sparks à l'Olympia, qui s'acheva sur la folie de THIS TOWN AIN'T BIG ENOUGH FOR THE BOTH OF US, laquelle, en rappel, fut immédiatement répétée par le groupe porté par une foule en délire. Ces choses-là arrivent.

    Que dire du texte qui aligne, au rythme d'un coeur qui bat de plus en plus fort ("heartbeat, increasing heartbeat"), une visite assez dangereuse au zoo, un rendez-vous au café avec "elle" mais contrarié par l'arrivée de cannibales, voire une douche assez prémonitoire puisqu'elle annonce l'inévitable et logique  alliance, quatorze ans plus tard (1988) des Sparks et des Rita Mitsouko, avec l'également inoubliable duo de Catherine Ringer et Russell Mael pour SINGING IN THE SHOWER....

    Paroles

    Zoo time is she and you time
    The mammals are your favourite type, and you want her tonight
    Heartbeat, increasing heartbeat
    You hear the thunder of stampeding rhinos, elephants and tacky tigers

    This town ain't big enough for both of us
    And it ain't me who's gonna leave

    Flying, domestic flying
    And when the stewardess is near do not show any fear
    Heartbeat, increasing heartbeat
    You are a khaki-coloured bombardier, it's Hiroshima that you're nearing

    This town ain't big enough for both of us
    And it ain't me who's gonna leave

    Daily, except for Sunday
    You dawdle in to the cafe where you meet her each day
    Heartbeat, increasing heartbeat
    As twenty cannibals have hold of you, they need their protein just like you do

    This town ain't big enough for both of us
    And it ain't me who's gonna leave

    Shower, another shower
    You've got to look your best for her and be clean everywhere
    Heartbeat, increasing heartbeat
    The rain is pouring on the foreign town, the bullets cannot cut you down

    This town ain't big enough for both of us
    And it ain't me who's gonna leave

    Census, the latest census
    There'll be more girls who live in town though not enough to go round
    Heartbeat, increasing heartbeat

    You know that: This town isn't big enough, not big enough for both of us
    This town isn't big enough, not big enough for both of us
    And I ain't gonna leave


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  • CA VAUT MIEUX QUE D'ATTRAPER LA SCARLATINE ! 

    Ray Ventura et ses Collégiens  (1936)

    Grand bond en arrière vers l'avant-guerre. Les joyeux refrains du groupe de Ray Ventura donnent la mesure de la folle inconscience d'une époque où, comme on l'a souvent dit, on "dansait sur un volcan". La même bande de rigolos ne va-t-elle pas  récidiver bientôt, juste avant le cataclysme, avec TOUT VA TRES BIEN MADAME LA MARQUISE ? On y retrouve une désinvolture bien dans le goût de l'époque (voir aussi DANS LA VIE FAUT PAS S'EN FAIRE de Maurice Chevalier), mais avec une dose de folie loufoque qui fit l'énorme succès de Ray Ventura.

    On peut certes penser que cette insistance à certifier que rien n'a d'importance, bref que ça pourrait être pire, témoigne à rebours d'une inquiétude profonde que nul n'osait exprimer...

    Au départ, CA VAUT MIEUX QUE D'ATTRAPER LA SCARLATINE ! est un des titres de l'opérette NORMANDIE, représentée aux Bouffes-Parisiens, sur des paroles d'André Hornez et d'une vieille connaissance, Henri Decoin, la musique étant de Paul Misraki (bien avant ALPHAVILLE).

    L'enregistrement que vous pourrez entendre ici comprend 6 couplets sur les 12 du texte original. Je les ai soulignés en rouge. L'humour de l'ensemble est volontiers féroce, il serait noir si le délire fantaisiste ne l'emportait toujours en fin de compte : de l'adultère au viol, du supplice à la peine capitale, tout est renvoyé uniformément à une insouciance généralisée...

    Il n'est pas certain que tout passerait encore aujourd'hui, en particulier le 3e couplet qui évoque la circoncision, sans méchanceté certes, mais avec un esprit propre à l'époque, ce qu'on pourrait définir comme un antisémitisme naturel et bon enfant. Même chose pour l'homophobie, dirait-on aujourd'hui, du 11e couplet. De quoi aller aujourd'hui devant les tribunaux... Faut-il envier cette époque où on pouvait proclamer en toute bonne conscience que "tout ça n'est pas grave" ?...

     

    Paroles

    (Refrain) Ça vaut mieux que d'attraper la scarlatine
    Ça vaut mieux que d'avaler d'la mort-aux-rats
    Ça vaut mieux que de sucer d'la naphtaline
    Ça vaut mieux que d'faire le zouave au Pont d'l'Alma.

    1) Nous avons plutôt tendance
    À prendre la vie tristement
    Et dans bien des circonstances
    On s'affole inutilement
    Quelle que soit notre malchance
    Dites-vous que ce n'est rien
    Tout ça n'a pas d'importance
    Car si l'on réfléchit bien.

    2) Dans l'métro quand il y a foule
    On n'sait pas où s'accrocher
    Et tandis que le train roule
    On ne fait que trébucher
    L'autre jour quelqu'un s'exclame:
    - Mais vous m'attrapez les seins !
    J'lui ai répondu: - Madame
    Y a pas d'quoi faire ce potin.

    3) On a la triste habitude
    De couper la queue des chiens
    Des gens plein d'sollicitude
    Trouvent que cela n'fait pas bien
    Cette p'tite queue que l'on mutile
    Dit quelqu'un, c'est pas joli,
    Mais d'une façon subtile
    Blumenthal dit à Lévy:

    4) Un vieil ami d'Angoulême
    M'avait invité chez lui
    Sa maison est du quinzième
    C'est vieux mais c'est très gentil
    Admirant ses jolies choses
    Je lui demandai soudain:
    - Où sont donc les water choses ?
    Il me dit: chez le voisin.

    5) Il y avait une dame 
    qui pour avoir un enfant
    Tous les jours à Notre dame
    Allait implorer Saint Jean
    Un beau jour elle devint’ mère
    De trois enfants d’un seul coup
    Ell’crie : Saint Jean t’exagères
    Saint Jean lui dit Calmez vous


    6) L'autre jour un vieux satyre
    Devait être guillotiné
    Pour avoir, c'est triste à dire
    Violé un garçon boucher
    Avant qu'on lui coupe la tête
    Le bourreau sans s'affoler
    Lui offrit une cigarette
    Et lui dit pour l'consoler...

    7) Dans un hôtel de province
    Je n’pouvais dormir la nuit
    Les cloisons étaient très minces
    Mes voisins faisaient du bruit
    Soudain j’entendis : Arrête 
    Arrête un peu Nicolas
    Tu m’as mordu la luette
    L’autr dit : T’en fais pas pour ça 

    8) Un soir chez une douairière
    De soixante ans bien sonnés
    Des bandits masqués entrèrent
    Et voulurent la violenter
    Son mari criait - Arrière !
    J’aimerais mieux que l'on me tue
    Mais noblement la douairière
    Lui dit : De quoi te mêles-tu

    9) Ma petite amie Sophie
    Me trompe avec un lutteur
    Oui mais moi je me méfie
    Pour punir le séducteur
    Je rentre sans crier gare
    En pensant j’avais l’écorcher
    Mais devant c’gars malabar
    J’ai dit d’un air détaché

    10) Je n’connais pas l’orthographe
    J’suis pas la seule à Paris
    Et souvent j’commets des gaffes
    Ca déplaît à mon mari
    L’autr’ jour il me dit : caresse
    Ca s’écrit avec un C
    Je répondis tout d’un’ pièce
    Avec un Q c’est plus gai 

    11) Comme on parlait de supplices
    Dans un salon très coté
    Quelqu'un dit : "Aux îles Maurice
    J'ai vu des gens empalés !"
    Chacun dit : "C'est sanguinaire !"
    Mais un jeune homme ravi
    S'écria : "Et prout, ma chère
    Si vous voulez mon avis !"

    12) L'autre soir au concert Colonne
    Eclata un grand scandale
    Il y avait un trombone
    Qui ne semblait pas normal
    Le chef d'une voix rageuse
    Lui dit : "Nous jouons Tannhauser
    Et vous, vous jouez Sambre et Meuse !"
    L'autre répond : "Kek ça peut faire ?"

     

    Ça vaut mieux que d'attraper la scarlatine

    Ça vaut mieux que d'avaler le Pont d'l'Alma
    Ça vaut mieux que du vinaigre dans les sardines
    Ça vaut mieux que d'faire le zouave chez Ventura.


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  • LA SAISON DES PLUIES

    Serge Gainsbourg   (1964)

    Chez Gainsbourg, on est plus habitué à l'ironie, à l'agressivité, à l'arrogance et à l'acrimonie, qu'à la mélancolie. C'est sans doute pourquoi LA SAISON DES PLUIES, un des fleurons de son fameux album CONFIDENTIEL, n'a pas connu la même popularité que d'autres. Certains vont peut-être la découvrir ici...

    Et les réfractaires à l'analyse et au décryptage seront contents, pour une fois, puisqu'on peut dire qu'elle se passe de commentaire.

     

    Paroles

    C'est la saison des pluies
    La fin des amours
    Assis sous la véranda je regarde pleurer
    Cette enfant que j'ai tant aimée
    C'est la saison des pluies
    L'adieu des amants
    Le ciel est de plomb il y a d' l'humidité dans l'air
    D'autres larmes en perspective
    Le temps était de plus en plus lourd
    Et le climat plus hostile
    Il fallait bien que vienne enfin La saison maussade
    C'est la saison des pluies
    La fin des amours
    J'ai quitté la véranda et me suis approché
    De celle que j'ai tant aimée
    C'est la saison des pluies
    L'adieu des amants
    Un autre viendra qui d'un baiser effacera
    Le rimmel au coin de ses lèvres


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  • LIGHT MY FIRE    

    les Doors    (1967)

    Ne nous cassons pas la tête aujourd'hui, réécoutons un tube incontestable, le LIGHT MY FIRE des Doors, qui a déjà été repris par d'autres une trentaine de fois (le plus récent étant Laurent Voulzy). Morceau magique, évidemment, avec cette intro reconnaissable entre mille, ce incroyable pont musical "planant" (tout à fait dans l'esprit de la chanson), 4 minutes jusqu'à ce moment sublime de la reprise de l'intro (précisément à 5'22"), un des sommets de la pop avec la césure du A DAY THE LIFE des Beatles, quelque chose d'un orgasme...

    On ne s'attardera pas, cette fois (au grand soulagement de quelques-uns d'entre vous) sur les paroles qui ne sont que variations sur la proposition de ce garçon à son amie de lui "allumer son feu", une métaphore assez transparente, non exempte de sens cachés. Unique point commun par ailleurs entre LIGHT MY FIRE et AU CLAIR DE LA LUNE ("Ma chandelle est morte / Je n'ai plus de feu").

    Rappelons simplement l'étonnant destin de ce titre. Si je ne vous trompe pas sur la marchandise, en vous livrant la version originale de 6'50" (enregistrée en juillet 1966), il faut savoir que la maison de disques des Doors (ne citons pas son nom pour ne pas lui faire de pub) a d'abord édité une version tronquée de 3 minutes. Un honte et un massacre! 

     

    Paroles

    You know that it would be untrue
    You know that I would be a liar
    If I was to say to you
    Girl, we couldn't get much higher

    Come on baby light my fire
    Come on baby light my fire
    Try to set the night on, fire

    The time to hesitate is through
    No time to wallow in the mire
    Try now we can only lose
    And our love become a funeral pyre

    Come on baby light my fire
    Come on baby light my fire
    Try to set the night on, fire yeah

    The time to hesitate is through
    No time to wallow in the mire
    Try now we can only lose
    And our love become a funeral pyre

    Come on baby light my fire
    Come on baby light my fire
    Try to set the night on, fire yeah

    You know that it would be untrue
    You know that I would be a liar
    If I was to say to you
    Girl, we couldn't get much higher

    Come on baby light my fire
    Come on baby light my fire
    Try to set the night on fire
    Try to set the night on fire
    Try to set the night on fire
    Try to set the night on fire

    "traduction" française

    Tu sais que ça serait faux
    Tu sais que je serais un menteur
    S je te disais
    Chérie, on ne pourrait pas planer plus haut
    Allez bébé, allume mon feu
    Allez bébé, allume mon feu
    Essaie de mettre le feu à la nuit

    Le temps d'hésitation est passé
    Pas le temps de se vautrer dans la fange
    Essaie maintenant, nous ne pouvons que perdre
    Et notre amour devient un bûcher funéraire
    Allez bébé, allume mon feu
    Allez bébé, allume mon feu
    Essaie de mettre le feu à la nuit, ouais


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  • AU PAYS DES MERVEILLES DE JULIET

    Yves Simon   (1973)

    Yves Simon s'est fait connaître en 1973 avec cette chanson originale et innovante, d'une fraîcheur sophistiquée. Un refrain, entêtant, digne d'une comptine enfantine, encadre des couplets riches de références plus ou moins transparentes, dits plutôt que chantés par l'auteur (comment appelle-t-on ça, un récitatif peut-être ?)...

    Juliet, c'est bien sûr Juliet Berto. La rime imposait les pâquerettes. Si elle s'était appelée Camille, on aurait cueilli des jonquilles, Clarisse des narcisses, etc. Il valait donc mieux qu'elle s'appelât Juliet.

    On ne va pas jouer à imiter "Gala" ou "Voici", mais il semble bien que quelque chose se soit noué entre Juliet Berto et Yves Simon sur le tournage d'ERICA MINOR, film de Bertrand Van Effenterre où ils sont partenaires, et même en couple. Film sorti en 74 mais forcément tourné avant...   

    D'emblée, la référence emblématique à Lewis Carroll, annoncée par le titre, prend une place prépondérante. Juliet Berto a-t-elle jamais interprété une chanson inspirée d'ALICE, on l'ignore mais ces "quatre ailes rouges sur le dos" ont une tonalité surréalisante proche du révérend rêveur.

    L'autre référence majeure est celle de Godard, qui aimait tant Céline qu'il a donné le prénom de Ferdinand au personnage de Belmondo dans PIERROT LE FOU ("J'm'appelle Ferdinand, nom de Dieu"). Yves Simon lui rend la pareille, rappelant que c'est Godard qui nous fit decouvrir Juliet dans LA CHINOISE, en compagnie de Jean-Pierre Léaud et Anne Wiazemsky. Le film date de 67, mais est-ce une erreur d'évoquer à son propos "les vieux écrans de 68" ? Pour un film aussi prémonitoire, c'est plutôt un symbole.

    Ce qui est plus curieux, c'est que JB ne mange jamais de frites dans LA CHINOISE ! Où il n'y a pas de café, le film étant presque entièrement tourné dans le huis clos d'un appartement. Par contre, elle a une scène dans un café dans DEUX OU TROIS CHOSES  QUE JE SAIS D'ELLE (qui date aussi de 67). L'amusant, ce sont les connexions Godard-Carroll, car il y a un grand miroir, précisément, dans ce café, qui permet à Yves Simon de citer DE L'AUTRE COTE DU MIROIR. J'ajoute qu'il y a dans LA CHINOISE (minute 22 si vous voulez vérifier) la reproduction d'un dessin représentant Alice à la porte de Wonderland. La même année toujours, dans WEEK END (67) un chapitre s'intitule "De l'autre côté de Lewis Carroll". Jean Yanne et Mireille Darc y croisent une jeune fille victorienne qu'on appelle Emily Bronte, mais qui porte le costume d'Alice.

    Pour finir, le couplet de "mise en garde" contre le miroir aux alouettes hollywoodien ne semble guère s'appliquer à une Juliet qui ne s'y est guère laissée prendre, à moins qu'elle ait tout simplement écouté le conseil qui lui était donné par la chanson.

     

    Paroles

    Vous marchiez Juliet au bord de l'eau,

    vos quatre ailes rouges sur le dos
    Vous chantiez Alice de Lewis Carroll
    Sur une bande magnétique un peu folle

    Maman on va cueillir des pâquerettes
    Au pays des merveilles de Juliet

    La la la la la la la la
    La la la la la la la la

    Sur les vieux écrans de soixante-huit,

    vous étiez Chinoise, mangeuse de frites
    Ferdinand Godard vous avait alpaguée
    De l'autre côté du miroir d'un café

    Maman on va cueillir des pâquerettes
    Au pays des merveilles de Juliet


    La la la la la la la la
    La la la la la la la la

    Dans la tire qui mène à Hollywood,

    vous savez bien qu'il faut jouer des coudes
    Les superstars et les petites filles de Marlène
    Vous coinceront Juliet dans la nuit américaine

    Maman on va cueillir des pâquerettes
    Au pays des merveilles de Juliet

    Maman on va cueillir des pâquerettes
    Au pays des merveilles de Juliet

    La la la la la la la la
    La la la la la la la la


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