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Par Gérard Lenne le 16 Février 2016 à 23:40
C'EST EXTRA
Léo Ferré (1969)
Avec le temps, je m'aperçois que j'ai toujours aimé décortiquer les chansons. Je me souviens d'une analyse fouillée de MAO ET MOA de Nino Ferrer, que mes camarades de Télérama avaient pris au sérieux, et puis d'une autre où je décelais toutes les allusions sexuelles de AU CLAIR DE LA LUNE... Plus récemment, je me suis attaqué à C'EST EXTRA, le "tube" de Léo Ferré, dont j'ai toujours apprécié la superbe musique tout en restant très réservé sur les paroles.
Exceptionnellement, je vous présente telle quelle cette petite réflexion, qui date maintenant de quelques années, entrecroisant les paroles de Ferré et mes propres observations, dont j'assume évidemment l'impertinence. Let's go !
Une robe de cuir comme un fuseau
Qu'aurait du chien sans l'faire exprès
Une robe qui a du chien, je veux bien.
L’image du fuseau, OK, je suis indulgent, c’est le début
(il y avait jadis des pantalons « fuseau »). Une robe
pourquoi pas, puisqu’elle « ne le fait pas exprès ».
Quoiqu’on ait rarement vu une robe faire quelque
chose exprès !
Et dedans comme un matelot
Une fille qui tangue un air anglais
Alors là, on compare la fille à un matelot, mais ça tangue
un matelot ? Un bateau ça tangue, mais un matelot a
intérêt à rester droit et ferme, à avoir « le pied marin ».
Sinon, on comprend que si elle tangue c’est qu’elle danse… (tanguer/tango ?)
C'est extra
Un moody blues qui chante la nuit
Comme un satin de blanc marié
Et dans le port de cette nuit
Une fille qui tangue et vient mouiller
Donc, cet air anglais, c’est le tube des Moody Blues,
« Nights in white satin ». Traduit en français à
l’époque pour Marie Laforêt : « Nuits de satin blanc »,
ça explique que les trois mots se suivent. Mais
u'est-ce qu’un satin blanc qui chanterait ? Et qui,
par ailleurs, serait marié ? Difficile à comprendre,
en tout cas c’est la nuit (pas très riche, la rime !)
et on reprend la métaphore du tangage, avec une
allusion sexuelle assez énorme. Très malin, le
: réussir à faire passer ça aux heures de grande écoute
alors que « Je t’aime moi non plus » ne passait que la nuit…
C'est extra c'est extra
C'est extra c'est extra
Des cheveux qui tombent comme le soir
Et d'la musique en bas des reins
Ce jazz qui jazze dans le noir
Et ce mal qui nous fait du bien
La fille a les cheveux longs, c’est évocateur,
d’accord, donc ils tombent, et il est vrai que le
soir tombe, lui aussi. On croyait que c’était déjà
la nuit, mais ce n’est pas grave. La musique
« au bas des reins », ça nous rappelle le motif
érotique (ne pas oublier l’essentiel).
Pas mal, le jazz qui jazze, hé hé ! Sauf que les
Moody Blues c’est de la pop, absolument pas
du jazz. Une bonne trouvaille ensuite : « ce
mal qui nous fait du bien », assez durassien
ma foi. (Cf. Hiroshima mon amour, « Tu me
tues, tu me fais du bien ».) C’est limite plagiat, ça.
C'est extra
Ces mains qui jouent de l'arc-en-ciel
Sur la guitare de la vie
Et puis ces cris qui montent au ciel
Comme une cigarette qui prie
Des mains qui jouent de l’arc-en-ciel !
« ça n’existe pas, ça n’existe pas », chanterait Gréco.
Figurer la variété des sons par celle des couleurs,
c’est osé, mais bon. On me permettra de trouver
légèrement emphatique la « guitare de la vie ».
à la cigarette qui « prie », je suis perplexe.
A l’écoute de la chanson, une fois sur deux je
comprends « Une cigarette qui brille », ce qui
serait plus logique, mais plus pauvre sur la rime.
Mais alors, comment une cigarette peut-elle prier ?
Est-ce une allusion à la fumée de l’encens qui
monte au ciel, elle aussi ? On va le voir, il y a
du religieux dans cette chanson pro-fan.
C'est extra c'est extra
C'est extra c'est extra
Ces bas qui tiennent haut perchés
Comme les cordes d'un violon
Et cette chair que vient troubler
L'archet qui coule ma chanson
Les bas, c’est plaisant, mais en quoi les cordes
d’un violon sont-elles haut perchées ? Disons
qu’elles sont bien tendues. Dans ce cas, ne
seraient-ce pas plutôt les jarretelles qu’on peut
comparer à des cordes ? Enfin, on arrive à la
chair, l’archet poursuivant l’image du violon,
même si on peut s’interroger sur ce que signifie
couler une chanson… Couler reprend-il l’image
précédente du bateau dans le port ? (ce serait
assez pessimiste). Ou signifie-t-il que sa
chanson est coulante, fluide, suave ?
C'est extra
Et sous le voile à peine clos
Cette touffe de noir jésus
Qui ruisselle dans son berceau
Comme un nageur qu'on n’attend plus
Alors là, toujours gonflé, le Léo. Il avait déjà fait
le coup de la métaphore sexuelle avec « Jolie
Môme » (« T’as qu’une source au milieu /
Qu’éclabousse du bon Dieu », toujours aux
heures de grande écoute !) et on note sa
persévérance : le côté divin du sexe féminin,
du bon Dieu on passe à Jésus. Car enfin, ce
n’est pas une qualité de papier, ni du saucisson !
C’est noir, c’est une touffe, sous un voile, pas
trop serré – car la fille aime être à l’aise. Le
berceau douillet s’accorde au nouveau-né
(le petit Jésus) et notre poète persiste et signe :
la fille ne se contente plus de mouiller, elle
ruisselle ! Et même, elle ruisselle comme un
nageur. Qui est ce nageur ? Le matelot de tout
à l'heure qui s’est jeté à l’eau ? Admettons-le,
mais en quoi un nageur ruisselle-t-il ?
Transpiration ? Ou simplement remue-t-il de
l’eau ? Et pourquoi diable ne l’attend-on plus ?
Y aurait-il des nageurs qu’on attend encore,
comme le marin qu’attend la Paimpolaise,
et d’autres qu’on n’attend plus : on pense
qu’ils se sont noyés, on a fait une croix dessus.
Ce qui nous ramènerait, notons-le, à Jésus.
Et s’il y avait une cohérence cachée dans tout ça ?
C'est extra c'est extra
C'est extra c'est extra
Une robe de cuir comme un oubli
Qu'aurait du chien sans l'faire exprès
Et dedans comme un matin gris
Une fille qui tangue et qui se tait
Le fuseau a cédé la place à l’oubli. Qu’a-t-on
donc oublié, ou qui ? Peut-être le matelot noyé,
puisqu’on ne l’attend plus. Mais en quoi peut-on
assimiler la robe à un oubli, un vêtement à un
état d’âme ? En tout cas, elle a toujours le
même chien (répétition du vers, pour renforcer
le côté cyclique de la chanson). Et la fille ne
cesse pas de tanguer, mais cette fois « comme
un matin gris ». Je me suis longuement
interrogé sur la possibilité de tanguer, quand
on est un matin gris. J’avance une hypothèse :
tanguer, c’est hésiter. Un matin gris peut
devenir bleu, c’est donc une image de cette
hésitation. Bref, ce n’est pas la fille qui
nous le dira car brusquement elle se tait
(comme Léo va bientôt le faire). Avait-elle
parlé précédemment ? Non, les cris qui
montent au ciel n’étaient pas les siens,
sans doute ceux des habitués de la boîte
de nuit. Disons alors que la fille continue de se taire, voilà tout.
C'est extra
Les moody blues qui s'en balancent
Cet ampli qui n'veut plus rien dire
Et dans la musique du silence
Une fille qui tangue et vient mourir
Les Moody Blues s’en balancent : balancer,
est-ce une allusion à un rythme (« swing »)
qui n’est pas propre à ce groupe, d’ailleurs,
ou bien à cette hésitation dont je parlais
ci-dessus ? Est-ce ce l’indifférence ?
(comme le film avec Eddie Constantine :
« Les Femmes s’en balancent »)…
Mais ils se balanceraient de quoi ? De la fille
qui tangue et qui mouille ? Car c’est un
disque, ou une bande magnétique, ils sont loin,
ils sont à Londres, les Moody Blues,
ça leur est bien égal ce qui arrive à la fille
à cause de leur musique, de leur air anglais !
Et l’ampli « ne veut plus rien dire », il se tait,
comme la fille. Aurait-il une panne ?
Vous allez me traiter de parano. Mais en
français, quelque chose qui ne veut rien dire,
c’est quelque chose qui n’a aucun sens.
Comme la chanson de Léo ? Ne me faites
pas dire ce que je n’ai pas dit. Le vers
suivant aurait tendance à faire penser
que c’est au premier degré : l’ampli s’est
tu, la chanson est finie, quoi. Et la « musique
du silence », c’est comme si on disait
que le silence après les Moody Blues
et encore du Moody Blues. La fille n’en
continue pas moins de tanguer, mais en
silence ça ne peut plus durer longtemps :
elle « vient mourir ».
Qu’est-ce à dire ? Tombe-t-elle, poupée inanimée ?
S’éteint-elle comme la flamme de la cigarette
qui ne prie plus, ni ne brille ? Quoi qu’il en soit,
c’est très astucieux. Léo a retenu la leçon
d’Edgar Poe à propos de son « Corbeau » :
rien de plus émouvant que la mort d’une jeune
et belle femme. On ne sait pas si la fille est
jeune et belle, mais on s’en doute. On est
donc triste qu’elle meure. Mais cette tristesse
rejoint une certaine volupté, un réel plaisir,
que le chanteur (qui s’en balance ?) se régale
à répéter encore quatre fois : « C’est extra ! »
C'est extra
C'est extra
C'est extra
C'est extra
15 commentaires -
Par Gérard Lenne le 14 Février 2016 à 19:36
BETTER OFF DEAD
Elton John (1975)
By Jove ! pas encore mis Elton John dans cette (modeste) encyclopédie permanente. Grâce à la lecture aléatoire de mon disque dur, qui me réserve parfois des surprises, je tombe sur ce titre qui a toujoirs été un de mes préférés, mais que je n'avais pas entendu depuis un siècle.
Dès l'ouverture, ces accords de piano, martelés par Elton comme un vrai Jerry lee Lewis, font la liaison entre le rock et la pop. On est emporté d'emblée, et j'avoue que cela m'avait suffi. Avais-je bien compris le titre, BETTER OFF DEAD. Mieux que mort, ou "il vaudrait mieux être mort", sans doute. Je ne me trompais pas trop.
Une rapide recherche m'a fait découvrir que les paroles, sur lesquelles je ne m'étais pas attardé à l'époque, évoquent les sorties nocturnes de EJ & Bernie Taupin, après de longues journées d'enregistrement en studio, quand ils échouaient dans un 'burger bar' envahi d'eune faune hétéroclite... Bon, je n'irai pas jusqu'à dire que j'ai désormais tout compris de ce texte où compte surtout l'atmosphère de ce bar et des rues avoisinantes peuplées d'épaves, d'ivrognes et de prostituées. Un peu mieux cependant que la "traduction" dénichée par vous sur le Net et que je joins ci-dessous, ne serait-ce que pour vous arracher un sourire.
(pour écouter d'autres versions que celle du disque, voir :
http://www.songfacts.com/detail.php?id=9490)
Paroles
There was a face on a hoarding that someone had drawn on
And just enough time for the night to pass by without warning
Away in the distance there's a blue flashing light
Someone's in trouble somewhere tonight
As the flickering neon stands ready to fuse
The wind blows away all of yesterday's news
Well they've locked up their daughters and they battened the hatches
They always could find us but they never could catch us
Through the grease streaked windows of an all night cafe
We watched the arrested get taken away
And that cigarette haze has ecology beat
As the whores and the drunks filed in from the street
'Cause the steams in the boiler the coals in the fire
If you ask how I am then I'll just say inspired
If the thorn of a rose is the thorn in your side
Then you're better off dead if you haven't yet diedBetter Off Dead (Le Meilleur De La Mort)
There was a face on a hoarding that someone had drawn on
Il y a un visage sur un panneau que quelqu'un avait dessiné
And just enough time for the night to pass by without warning
Et juste assez de temps dans la nuit pour continuer son chemin sans alerter
Away in the distance there's a blue flashing light
Tout au loin, il y a une lumière bleue étincelante
Someone's in trouble somewhere tonight
Quelqu'un est en difficulté quelque part dans la nuit
As the flickering neon stands ready to fuse
Alors que le néon moucheté est prêt à éclater
The wind blows away all of yesterday's news
Le vent emporte au loin toutes les infos d'hierWell they've locked up their daughters and they battened the hatches
Eh bien, ils ont enfermé leurs filles et ils se préparent à affronter la crise
They always could find us but they never could catch us
Ils pourront toujours nous trouver mais ils ne pourront jamais nous attraper
Through the grease streaked windows of an all night cafe
A travers la fenêtre recouverte de buée d'un café ouvert toute la nuit,
We watched the arrested get taken away
Nous avons regardé les suspects être emmenés
And that cigarette haze has ecology beat
Et la brume de cigarette a un coup écologique
As the whores and the drunks filed in from the street
Comme les putains et les alcooliques qui comblent les rues`Cause the steams in the boiler the coals in the fire
Car les vapeurs dans la chaudière, les charbons dans le feu
If you ask how I am then I'll just say inspired
Si tu te demandes comment je suis, je te dirais juste que je suis inspiré
If the thorn of a rose is the thorn in your side
Si l'épine d'une rose est l'épine dans ton flanc
Then you're better off dead if you haven't yet died
Alors tu es le meilleur de la mort si tu n'es pas encore mort
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Par Gérard Lenne le 10 Février 2016 à 23:38
COMME UN BOOMERANG
Dani & Etienne Daho (2001)
Parmi les innombrables chansons composées par Gainsbourg "pour les autres", on a souvent tendance à oublier celle-ci, dont l'efficacité est à la mesure de sa simplicité - recette incontestable du tube. L'évidence est de mise, et nous n'allons donc pas savamment l'analyser.
Mais l'histoire de ce titre est riche d'enseignement. C'est en 1975 que la chanteuse Dani demande à Gainsbourg de lui composer une chanson. L'année précédente, la mort de Pompidou l'a empêchée de participer au concours de l'Eurovision. Se présentant à nouveau, elle tient à mettre toutes les chances de son côté. Dix ans après POUPEE DE CIRE, POUPEE DE SON, qui a fait triompher France Gall en 1965. Résultat : COMME UN BOOMERANG.
Mais voilà, Antenne 2 (aujourd'hui France 2), qui diffuse la soirée, censure la chanson dont le titre est jugé "provocateur et connoté sexuellement". Il faut bien chercher pour en dénicher les raisons. Sans doute Gainsbourg a-t-il entretemps gagné une réputation sulfureuse à cause des SUCETTES ? Il est bien question de "s'aimer comme des dingues" et d'avoir "sur le bout de la langue"... quoi ? un prénom ! Ces temps étaient rudes, même si Giscard semblait être d'une audace libertaire quand on le comparait au défunt Pompidou...
Le morceau attendit longtemps dans les tiroirs de Vogue, enregistré par Dani seule et par Gainsbourg seul, et c'est longtemps après la mort de celui-ci, en 2001, qu'Etienne Daho l'exhuma pour le chanter en duo lors d'un concert avec une Dani à la voix plus qu'intéressante. Enregistré, COMME UN BOOMERANG fut enfin le tube qu'il était destiné à devenir.
Paroles
Je sens des boums et des bangs
Agiter mon cœur blessé
L'amour comme un boomerang
Me revient des jours passés
A pleurer les larmes dingues
D'un corps que je t'avais donné
J'ai sur le bout de la langue
Ton prénom presque effacé
Tordu comme un boomerang
Mon esprit l'a rejeté
De ma mémoire, car la bringue
Et ton amour m'ont épuisé
Je sens des boums et des bangs
Agiter mon cœur blessé
L'amour comme un boomerang
Me revient des jours passés
A s'aimer comme des dingues
Comme deux fous à lier.
Sache que ce cœur exsangue
Pourrait un jour s'arrêter
Si, comme un boomerang
Tu ne reviens pas me chercher
Peu à peu je me déglingue
Victime de ta cruauté
Je sens des boums et des bang
Agiter mon cœur blessé
L'amour comme un boomerang
Me revient des jours passés
A t'aimer comme une dingue
Prête pour toi à me damner
Toi qui fait partie du gang
De mes séducteurs passés
Prends garde à ce boomerang
Il pourrait te faire payer
Toutes ces tortures de cinglés
Que tu m'as fait endurer.
Je sens des boums et des bangs
Agiter mon cœur blessé
L'amour comme un boomerang
Me revient des jours passés
C'est une histoire de dingue
Une histoire bête à pleurer
Ma raison vacille et tangue
Elle est prête à chavirer
Sous les coups de boomerangs
Des flash-back enchaînés
Et si un jour je me flingue
C'est à toi que je le devrais
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Par Gérard Lenne le 5 Février 2016 à 01:26
L'OPPORTUNISTE
Jacques Dutronc (1968)
S'il me fallait choisir un Lanzmann, ce ne serait certes pas Claude, mais plutôt Jacques. Je me souviens qu'il venait au festival d'Avoriaz, avec sa pipe. Il avait été rédacteur en chef de LUI, et qu'en tant qu'écrivain il fut l'auteur derrière Dutronc.
Avait-on entendu auparavant les mots communisme ou socialisme dans une chanson ? Il faut dire que L'OPPORTUNISTE est et reste LA chanson française de juin 68 (la québécoise étant LINDBERG, déjà citée ici). De quoi s'agit-il exactement? En mai 68, à partir du 24 surtout, et l'allocution manquée du général de Gaulle, ce fut la débandade dans les rangs de la droite. Les parlementaires dispersés, les ministères désertés. Beaucoup, sentant le vent tourner, s'étaient mis soudain aux abonnés absents, afin de préserver l'avenir. Certains allaient même proposer leurs services aux leaders de la gauche (François Mitterrand, Pierre Mendès-France).
Et soudain, le 30 mai, changement d'atmosphère. De Gaulle intervient de nouveau, dissout l'Assemblée nationale et annonce de nouvelles élections. Dans les jours qui suivent, tous ceux qui avaient quitté le navire y reviennent et y fanfaronnent. Il faut bien car, ils le pressentent déjà, le résultat des élections de juin verra le triomphe de la réaction et confortera le régime gaulliste un temps menacé.
Le texte de Lanzmann est d'une drôlerie féroce sur ces gaullsites-girouettes, avec une chute en forme de gag, remarquable (il fallait la trouver !). Je n'aurais qu'une réserve : lorsque j'écoutais Dutronc sur mon transistor, j'avais mal compris le vers "Je suis le roi des convertis". On est parfois trahi par ses oreilles. Ma version, c'était "Je suis de Rome et converti". N'était-ce pas un peu mieux ?
Paroles
Je suis pour le communisme
Je suis pour le socialisme
Et pour le capitalisme
Parce que je suis opportuniste
Il y en a qui contestent
Qui revendiquent et qui protestent
Moi je ne fais qu'un seul geste
Je retourne ma veste
Je retourne ma veste
Toujours du bon côté
Je n'ai pas peur des profiteurs
Ni même des agitateurs
Je fais confiance aux électeurs
Et j'en profite pour faire mon beurre
Il y en a qui contestent
Qui revendiquent et qui protestent
Moi je ne fais qu'un seul geste
Je retourne ma veste
Je retourne ma veste
Toujours du bon côté
Je suis de tous les partis
Je suis de toutes les patries
Je suis de toutes les coteries
Je suis le roi des convertis
Il y en a qui contestent
Qui revendiquent et qui protestent
Moi je ne fais qu'un seul geste
Je retourne ma veste
Je retourne ma veste
Toujours du bon côté
Je crie vive la révolution !
Je crie vive les institutions
Je crie vive les manifestations
Je crie vive la collaboration !
Non jamais je ne conteste
Ni revendique ni ne proteste
Je ne sais faire qu'un seul geste
Celui de retourner ma veste
De retourner ma veste
Toujours du bon côté
Je l'ai tellement retournée
Qu'elle craque de tous côtés
A la prochaine révolution
Je retourne mon pantalon
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Par Gérard Lenne le 31 Janvier 2016 à 19:07
LES MINES DE CHARBON
Claude Nougaro (1962)
En ce temps-là, on écoutait religieusement et quotidiennement Salut les copains, sur Europe "N°1". Contrairement à ce qu'on pense parfois, le programme ce n'était pas seulement du "yé-yé" : on y entendait régulièrement Brassens, Gainsbourg, puis les petits nouveau Escudero ou Nougaro.
Plutôt que l'ultraconnue UNE PETITE FILLE, sur laquelle dithyrambait au micro Daniel Filippacchi, j'ai préféré LES MINES DE CHARBON (en vous demandant de pardonner les crachements du 45 tours vinyle que j'ai repiqué). Le parallèle est osé entre les mines de charbon et les boîtes de nuit parisienne, dont sont citées les plus célèbres de l'époque, le Club Saint-Hilaire et Chez Régine, où "tout se passe au fond"...
On pourrait citer, pour l'analogie d'inspiration, le trop méconnu MAXIM'S de Gainsbourg. Même report jusqu'à la chute d'une considération "sociale" qui prolongeait pour S.G. celles du POINCONNEUR DES LILAS ou des DEMENAGEURS DE PIANO, mais en manière de litote...
Nougaro, bien sûr, s'amuse. Laissant à Michel Legrand la composition de la partition, les arrangements très enlevés et la direction de ses musiciens ("Michel Legrand et son ensemble") il jongle avec les mots, modulant toutes les équivalences du vocabulaire de la mine. Ayant l'habitude de sortir noir de ces night-clubs, il y rencontre une mineure qu'il prend par la taille, d'où un coup de grisou qui suscite les rires de la galerie... sans compter toutes les variations sur le mot mine !
Paroles
Au Saint-Hilaire ou chez Régine
Tout se passe au fond, au fond, au fond
C'est comme dans les minesComme dans les mines de charbon
Ceux qui travaillent dans les mines
Descendent blancs, remontent noirs
C'est ce qui m'arrivait chaque soir
Au Saint-Hilaire ou chez Régine
J'y ai connu une mineure
Avec une mèche de cheveux blonds
Qui rayonnait contre son front
Comme une lampe de mineur
Au Saint-Hilaire ou chez Régine
Tout se passe au fond, au fond, au fond
C'est comme dans les mines
Comme dans les mines de charbon
Lorsque je pris sa taille fine
J'en eus le grisou dans les mains
Et des sueurs au creux des reins
Comme les mineurs au fond des mines
En l'aimant je prenais des risques
Je savais que j'allais souffrir
Moi qui ne pouvais lui offrir
Que des diamants de tourne-disques
Au Saint-Hilaire ou chez Régine
Tout se passe au fond, au fond, au fond
C'est comme dans les mines
Comme dans les mines de charbon
Un soir bien sûr elle fit des mines
A une mine d'or, un joli coeur
Je sentis un marteau-piqueur
Qui me défonçait la poitrine
J'ai compris que c'était le finale
Je voyais se marrer la galerie
C'est la première fois que l'on me vit
Remonter au jour la gueule toute pâle
Au Saint-Hilaire ou chez Régine
Tout se passe au fond, au fond, au fond
Mais je me dis en consolation
Que pour en baver pour de bon
Rien ne vaut les vraies mines de charbon
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Par Gérard Lenne le 26 Janvier 2016 à 23:45
LES GARS DE LA MARINE
Comedian Harmonists (1931)
Quand j'étais petit, nous avions eu la permission d'aller fouiller le grenier, et nous y trouvâmes quelques 78 tours d'avant-guerre. Une de nos tantes avait eu la tuberculose, et pour la distraire on lui avait acheté un "phono". Parmi ces disques lourds, épais et fragiles, il y avait LES GARS DE LA MARINE, que je considérais vite comme mon préféré. Ma mère le chantait par coeur à tue-tête...
Le groupe vocal des Comedian Harmonists l'interprétait avec un accent et, découvrant leur nom sur la rondelle centrale, je crus naïvement qu'ils étaient anglais, alors qu'il s'agit d'un groupe d'Allemands - dont la carrière a été retracée depuis par plusieurs films, le dernier était réalisé en 1997 par Joseph Vilsmaier.
Aujourd'hui, une fois n'est pas coutume, j'aimerais dédier cette chanson à mon ami Marcel Gotlib (il sait pourquoi), fervent admirateur des Comedian Harmonists. Cette brillante formation chorale eut une destinée chaotique : trois d'entre eux étant juifs, ils durent quitter l'Allemagne nazie en 1934, et le groupe explosa alors qu'ils étaient en pleine gloire.
Chanson du film franco-allemand LA CAPITAINE CRADDOCK, LES GARS DE LA MARINE est une petite merveille de drôlerie et d'enchantement musical, avec ses trouvailles sonores, ses onomatopées (avec ma soeur nous comprenions toujours l'ouverture "y'a pantalon, et y'a petit pantalon..."), son fameux coup de sirène... et ses contrastes entre des voix si différentes et complémentaires.
Paroles
Voilà les gars de la Marine,
Quand on est dans les Cols Bleus,
On a jamais froid aux yeux.
Partout, du Chili jusqu'en Chine
On les reçoit à bras ouverts
Les vieux loups de mer .
Mais oui ! Quand une fille les chagrine ,
Ils se consolent avec la mer.
Voilà les gars de la Marine,
Du plus p'tit jusqu'au plus grand ,
Du mousaillon au Commandant .Quand on est matelot,
On est toujours sur l'eau.
On visite le monde ;
C'est le métier le plus beau . ( bis )
Du pôle sud au pôle nord,
Dans chaque petit port,
Plus d'une fille blonde,
Nous garde ses trésors. ( bis )
Pas besoin de pognon,
Mais comme compensation,
A toutes nous donnons,
Un p'tit morceau d'nos pompons .
Les amours d'un Col Bleu
Ça n'dure qu' un jour ou deux,
A peine le temps de s'plaire
Et de se dire adieu. (bis)
On a un peu de chagrin,
Ça passe comme un grain.
Les plaisirs de la terre
C'est pas pour les marins (bis)
Nous n'avons pas le droit
De vivre sous un toit .
Pourquoi une moitié
Quand on a le monde entier .
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Par Gérard Lenne le 19 Janvier 2016 à 16:59
DESIR, DESIR
Laurent Voulzy & Véronique Jannot (1984)
Une chanson sur la chanson, bien d'autres l'avaient tenté, de Brel à Nougaro en passant par les Beatles. Laurent Voulzy et Alain Souchon l'ont parfaitement réussi avec cette dissection de la chanson d'amour populaire, celle qui fait les "tubes", et l'exploit est d'en avoir fait justement un tube - celui de l'été 64.
Le texte, c'est bien du Souchon, même s'il est plus "sage" que de coutume. Commencer sa première phrase par un "Mais"... Cette coquetterie de ne jamais prononcer LE mot "qu'on entend partout"... Ces allitérations et ces calembours légers, quoique très signifiants ("l'hameçon d'âme soeur")... La trouvaille de cette charade, enfin...
Et la composition de Voulzy met en valeur ces mots-là, comme toujours dans les oeuvres communes de notre tandem. Ajoutons-y cette apparition très en phase de l'actrice Véronique Jannot, qui sera sans lendemain mais qui colle parfaitement au projet.
Paroles
Mais toutes les chansons
Racontent la même histoire
Il y a toujours un garçon
Et une fille au désespoir
Elle l'appelle
Et il l'entend pas
Il voit qu'elle
Mais elle ne le voit pas
On en a fait des films
Et des tragédies divines
De cette situation
Des rocks et du spleen
Mélodie qu'on entend partout
Oh I need you baby
I need you baby
Baby yes I do {2x}
C'est toujours "toujours" qui rime avec ouh ouh
Cette chose-là il faut que tu devines
Mon premier c'est désir
Mon deuxième du plaisir
Mon troisième c'est souffrir ouh ouh
Et mon tout fait des souvenirs
Elle s'en colle des peintures
Du crayon sur la figure
Il se met des petites boucles d'oreille
Pour se donner des allures
On veut plaire
On veut des rendez-vous
Puis un jour c'est la guerre
Ce jeu là rend fou
Y a du danger des victimes
Un assassin assassine
L'assassin il faut que tu devines
Son premier c'est désir
Son deuxième du plaisir
Son troisième c'est souffrir oh oh
Et son tout fait des souvenirs
C'est du vague à l'âme teen-ager
Ou bien des nuits de désir à mourir
Pendu à l'hameçon de l'âme sœur
C'est toujours pousser des soupirs
ah ah...
Mais toutes les chansons racontent la même histoire
Cette histoire il faut que tu devines
Mon premier {2x}
Mon premier c'est désir
Mon deuxième du plaisir
Mon troisième c'est souffrir ouh ouh...
Mon premier c'est désir
Mon deuxième est plaisir
Mon troisième c'est souffrir ouh ouh...
Mon premier c'est désir
Mon deuxième du plaisir
Mon troisième c'est souffrir ouh ouh... {2x}
Et mon tout fait des souvenirs ouh ouh...
1 commentaire
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