• LA NUIT D'OCTOBRE

    Serge Gainsbourg   (1959)

    Chansong 96

    On a parfois oublié que le premier Gainsbourg avait souvent adapté, à l'instar de Brassens ou de Ferré, des morceaux de poésie classique. Outre LE ROCK DE NERVAL et un sonnet de BAUDELAIRE, il y eut la reconstruction iconoclaste de RONSARD 58, puis cette interprétation de la strophe centrale de LA NUIT D'OCTOBRE de Musset, mot à mot. Nul besoin de réécrire en quoi que ce soit ce texte virulent et sans concessions, évidemment écrit à l'intention de George Sand.

    De quoi, bien sûr, accréditer la réputation de misogynie d'un Gainsbourg qui n'a jamais hésité à la revendiquer, autant que d'en déceler l'origine dans une blessure non cicatrisée. L'orchestration jazzy, d'une violence rare avec ses cuivres hurleurs, répond à une violence féminine implacable, cause de la perte d'une innocence que Musset résume en des termes où le jeune Gainsbourg se reconnaît à l'identique.

    L'homme qui a écrit "Et si je doute des larmes / C'est que je t'ai vue pleurer", et celui qui l'a chanté, ont trop souffert pour être suspectés de tout sentiment trivial.

     

    Paroles

    Honte à toi qui la première
    M'as appris la trahison,
    Et d'horreur et de colère
    M'as fait perdre la raison !
    Honte à toi, femme à l'oeil sombre, 
    Dont les funestes amours 
    Ont enseveli dans l'ombre 
    Mon printemps et mes beaux jours !
    C'est ta voix, c'est ton sourire, 
    C'est ton regard corrupteur, 
    Qui m'ont appris à maudire 
    Jusqu'au semblant du bonheur ; 
    C'est ta jeunesse et tes charmes 
    Qui m'ont fait désespérer, 
    Et si je doute des larmes, 
    C'est que je t'ai vu pleurer. 
    Honte à toi, j'étais encore 
    Aussi simple qu'un enfant ; 
    Comme une fleur à l'aurore, 
    Mon coeur s'ouvrait en t'aimant.
    Certes, ce coeur sans défense 
    Put sans peine être abusé ; 
    Mais lui laisser l'innocence 
    Était encor plus aisé. 
    Honte à toi ! tu fus la mère 
    De mes premières douleurs, 
    Et tu fis de ma paupière 
    Jaillir la source des pleurs ! 
    Elle coule, sois-en sûre, 
    Et rien ne la tarira ; 
    Elle sort d'une blessure 
    Qui jamais ne guérira ; 
    Mais dans cette source amère 
    Du moins je me laverai, 
    Et j'y laisserai, j'espère, 
    Ton souvenir abhorré !

     


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  • LA VIEILLE DAME

    Jean-Luc Salmon   (1981)

    Chansong 79

    En ce temps-là, je fus un éphémère critique musical (une dizaine d'années quand même). Je dois dire que je jouissais d'un totale liberté. Je recevais les disques (vinyle) en service de presse,  j'écoutais tout et je faisais le tri. Il y eut des découvertes inattendues, et ce fut le cas de Jean-Luc Salmon, un a.c.i. que je n'avais pas eu l'occasion d'entendre sur les ondes. C'est ainsi que je m'enthousiasme pour son 30 cm. ET VA LE MONDE. Je l'écris aussitôt dans mon journal, le recommandant chaudement à mes lecteurs.

    Quelques jours passent, je suis par hasard au bureau (où je vais assez peu), le téléphone sonne. "- Bonjour, c'est Jean-Luc Salmon". Je vais le rencontrer, ce qui est assez rare dans mon activité., du moins quand ce n'est pas à mon initiative. J'ai voulu rencontrer Brassens, mais il venait de partir quand je suis arrivé impasse Florimont. J'ai interviewé Gainsbourg une fois ou deux, au festival d'Avoriaz et rue de Verneuil. J'ai déjeuné dans un restaurant chinois avec Gérard Manset. Mais avec Jean-Luc, c'est la première fois que l'artiste cherche lui-même à me joindre !

    De ce disque-révélation je vous ai sélectionné LA VIEILLE DAME. C'est le classicisme parfait de la chanson française: priorité au texte bien écrit, à la versification impeccable, mis en valeur par une musique dont la ligne mélodique se mémorise facilement, avec une orchestration en crescendo qui culmine dans une arrivée de cornemuses à donner le frisson !

    Depuis, Jean-Luc Salmon continue à chanter et il a fondé, dans sa banlieue nord, une association (l'ACDPA) qui a formé une troupe d'adolescents attirés par le chant et la musique. Avec eux, il organise des spectacles, et même des tournées, dont le clou est la comédie musicale TEENAGER, écrite pour eux et avec eux.

     

    Paroles

    La vieille dame est repartie dans sa famille
    Elle a fait un trou dans le présent de ma vie 
    Et tous les ciels blancs de Bretagne sont dans ses yeux
    Tous les soleils des matins pâles dans ses cheveux
    La vieille dame m'a dit bonjour mon tout petit
    Te voilà enfin de retour au pays
    Tu ne sais pas l'amour que j'ose cacher en moi
    Mais elle n'a pas dit tant de choses elle ne sait pas
    Ses enfants grandissaient à peine aux premiers temps
    Moi je les aimais comme on aime d'autres enfants
    Mais quand elle a dû travailler seule pour les nourrir
    Elle n'eut pas même le temps de les voir grandir
    Elle nous parlait de son enfance chèvres et pommiers
    Mais ils n'écoutaient pas en France tout est changé
    Et pendant dix ans j'ai vu vivre ses petits 
    Entre la honte l'ignorance et le mépris
    La vieille dame a dit bonjour au temps présent
    Tous les jours et jour après jour en les voyant
    Devenir homme et oublier qu'ils étaient hier 
    Des enfants de mère bretonne et bonne mère
    Moi j'étais d'un autre village je suis parti
    Tenter ma chance et prendre de l'âge à Paris
    Je venais chez eux comme un gosse à la maison
    Mais je n'avais pas le carrosse de Cendrillon
    Je n'ai retrouvé que leur mère presque inchangée
    Mais ses enfants n'ont jamais su qui elle était
    Elle est devenue mon amie plus belle encore
    D'avoir su porter neuf enfants dedans son corps
    Maintenant qu'elle vient chez moi se reposer
    Je comprends le tour que le présent m'a joué
    Je retrouve en elle tous les échos du pays
    Comme si elle arrêtait le temps dans sa folie
    La vieille dame est repartie dans sa famille
    Elle a fait un trou dans le présent de ma vie 
    Et tous les ciels blancs de Bretagne sont dans ses yeux
    Tous les soleils des matins pâles dans ses cheveux

     


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  • THE DAYS OF PEARLY SPENCER

    David McWilliams   (1967)

    Voici donc LA VIE DE PEARLY SPENCER, qui date de 1967.  Cette année-là n'est pas seulement celle de SGT.PEPPER'S, mais aussi d'un nombre record de tubes, de chansons inventives, d'un renouvellement créatif sans précédent (et qui ne sera jamais réédité à ce point).

    Parmi ces chefs-d'oeuvre, celui de l'Irlandais David McWilliams laisse un souvenir inaltéré. A quoi pourrait-on le comparer, si ce n'est à ELEANOR RIGBY, où l'année précedente les Beatles évoquaient eux aussi la figure d'une vieille dame, mais plus fantaisiste, moins désespérée. Pearly Spencer n'en a plus pour longtemps ("Her race is almot run"), elle habite un quartier triste à pleurer, elle a sombré dans l'alcoolisme, la peau laiteuse de sa jeunesse n'est plus qu'un souvenir...

    On est loin, certes, des amourettes gnan-gnan du yé-yé et de l'optimisme pétaradant du rock'n roll yankee des débuts. La voix de David McWilliams se dédouble grâce à un effet sonore assez inédit (je laisse le soin aux puristes d'en trouver une un précédent équivalent, à part celui de YELLOW SUBMARINE), elle devient nasillarde le temps du refrain - trouvaille qui fit sûrement beaucoup pour le succès de la chanson.

    Je viens de découvrir que David McWilliams, né à Belfast, est mort d'une crise cardiaque à 57 ans également en Irlande du Nord. Remember THE DAYS OF DAVID McWILLIAMS....

     

    Paroles (+ traduction)

    A tenement, a dirty street
    Un immeuble, une rue sale

    Walked and worn by shoeless feet
    Parcourue et usée par des pieds nus
    Inside it's long and so complete
    à l'intérieur elle est longue et si complète
    Watched by a shivering sun
    Observée par un soleil tremblotant
    Old eyes in a small child's face
    Les yeux vieillis dans le visage d'un petit enfant
    Watching as the shadows race
    Qui regardent la course des ombres
    Through walls and cracks and leave no trace
    A travers les murs fissurés sans laisser de trace
    And daylight's brightness shuns
    Et évitent la lumière du soleil

    The days of Pearly Spencer
    Les jours de Pearly Spencer
    The race is almost run
    Son parcours va bientôt prendre fin

     

    Nose pressed hard on frosted glass
    Le nez collé à la vitre givrée
    Gazing as the swollen mass
    Regardant alors que la foule dense
    On concrete fields where grows no grass
    Sur les champs de béton où ne pousse pas d'herbe
    Stumbles blindly on
    Trébuche à l'aveuglette
    Iron trees smother the air
    Des arbres en fer étouffent l'atmosphère
    But withering they stand and stare
    Mais flétrissant ils restent droit à regarder
    Through eyes that neither know nor care
    A travers leurs yeux qui ni ne savent ni se soucient
    Where the grass is gone
    De ce qu'est devenue l'herbe

    The days of Pearly Spencer
    Les jours de Pearly Spencer
    The race is almost run

    Son parcours va bientôt prendre fin

     

    Pearly where's your milk white skin
    Pearly où est passée ta peau blanche comme le lait
    What's that stubble on your chin
    C'est quoi cette barbe de plusieurs jours à ton menton
    It's buried in the rot gut gin
    Elle est ensevelie dans le gin fabriqué maison
    You played and lost not won
    Tu as joué et perdu
    You played a house that can't be beat
    Tu as joué contre une maison de jeux imbattable
    Now look your head's bowed in defeat
    Regarde maintenant tu baisses la tête en signe de défaite
    You walked too far along the street
    Tu t'es avancé trop loin sur la route
    Where only rats can run
    Où seuls les rats peuvent courir

    The days of Pearly Spencer
    Les jours de Pearly Spencer
    The race is almost run
    Son parcours va bientôt prendre fin
    The days of Pearly Spencer
    Les jours de Pearly Spencer
    The race is almost run(x2)
    Son parcours va bientôt prendre fin(x2)

     

    A tenement, a dirty street
    Un appartement, une rue sale
    Remember worn and shoeless feet
    Rappelle-toi des pieds nus et usés
    Remember how you stood to beat
    Rappelle-toi comment tu te battais pour changer
    The way your life had gone
    La tournure qu'avait pris ta vie
    So Pearly don't you shed more tears
    Alors Pearly ne verse plus de larmes
    For those best forgotten years
    Sur ces années qu'il vaut mieux oublier
    Those tenements are memories
    Ces appartements sont les souvenirs
    Of where you've risen from
    De la situation dont tu as réussi à sortir

    The days of Pearly Spencer
    Les jours de Pearly Spencer
    The race is almost won
    La course est presque gagnée

     


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  • LA LICORNE APPAREILLE  

    Alain Chamfort   (1983)

    Alain Chamfort ?  Oui. Parce qu'il est un des plus sous-estimés, malgré son compagnonnage avec Gainsbourg, dans le domaine de notre "chanson d'auteur". J'ai sélectionné LA LICORNE APPAREILLE comme une évidence, car c'est depuis longtemps un de mes tubes personnels. La lancinante et incantatoire mélopée enveloppe ici un texte surréalisant, qu'il est sans doute vain de vouloir commenter ou analyser, mais que je vous conseille simplement d'écouter attentivement, afin d'en bien goûter toute la virtuosité de la jonglerie des mots.

    Car elle en vaut la peine, cette improbable histoire de deux jeunes vierges qui, enlevées par des pirates, réussissent à "retourner l'équipage" en exhibant leurs charmes, et prennent le pouvoir à bord, sacrifiant à toutes les jouissances interdites, des débordements érotiques à l'accaparement des trésors dérobés. 

    D'Hergé à Brassens, Anémone et Mireille sont des héroïnes selon notre coeur, sans oublier Emile, et Hector, et cette bande de joyeux pirates leur faisant subir les ultimes outrages qu'elles réclament à grands cris.

    Anecdote amusante : les versions écrites circulant sur le Net sont truffées de fautes que j'ai dû corriger. Il faut croire que la poésie de Chamfort en a dérouté plus d'un.

     

    Paroles

    Quand Anémone dit à Mireille 
    la Licorne appareille 
    leurs altesses pucelles et nubiles 
    arrachées d'un duché 
    atterrées d'être enchaînées 
    de corsaires 
    otages amères et mises aux fers 
    seulettes dignes et soumises 
    excitantes infantes

    en danger vers Tanger... 

    Quand Anémone dit à Mireille 
    la Licorne appareille 
    aux cales les geôliers enjôlés 
    jupons volent 
    volent au pont 
    leurs appas au vent d'avril 
    d'un strip-tease 
    les otages retournent l'équipage 
    infante en fait très au fait 
    excitantes 
    tentent à Tantale Bretons en nage... 

    Assimile, Emile 
    assimile, Emile 
    pour six mille écus 
    seul un roi nous vit nues... 

    À ces nuits d'idylle 
    à ces nuits d'idylle 
    allez c'est promis 
    vous nous aurez aussi 

    Quand Anémone dit à Mireille: 
    la Licorne, appareille 
    ces capitaines qu'on dit sauvages 
    quotidiennes 
    au carnage 
    adorées soyez nos reines 
    leur dit-on 
    que vos petits tétons nous mènent 
    pillons à fond les sept mers 
    légendaires 
    Et piquons l'or et ses mystères... 

    Comptez l'or, Hector 
    comptez l'or, Hector 
    les copains d'accord 
    mais d'abord passe l'or... 

    À ces nuits d'idylle 
    à ces nuits d'idylle 
    allez comme promis 
    vous nous avez aussi... 

    [Parlé] 
    Les grimoires chuchotent 
    qu'au faîte de la gloire 
    ces deux matelotes 
    un beau soir dirent adieu... 

    On les dit aussi 
    sodomites aux îles 
    pochardes aux Barbades 
    où sont-elle passées ?
    ça, nul ne le sait 

    Si reines de corsaires, 
    sirènes des mers, 
    l'alizé d'été les entend chanter 

    À cette île, Emile 
    à cette île, Emile 
    les copains d'accord 
    mais d'abord passe l'or... 

    Comptons l'or encore 
    comptons l'or encore 
    plongeons-y nos corps 
    mais les copains d'abord

     


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  • LET IT LOOSE

    Rolling Stones  (1972)

    Avant de commencer, une anecdote. J'ai lancé ce blog en le baptisant CHANSONGS et en trouvant ça très malin. Voulant voir s'il était répertorié, je vais voir sur Google. J'ai ainsi appris que Claude Nougaro avait sorti en 1993 un album intitulé Chansongs !  Désolé, je n'ai pas voulu le plagier, ni l'imiter. On va dire que "les grands esprits, etc."  Passons maintenant aux Stones.

    Si on me demande le titre d'eux que je préfère, je réponds volontiers LET IT LOOSE. C'est le 14e morceau du double album EXILE ON MAIN STREET, un de leur chefs-d'oeuvre, en tout cas celui de leur apogée.

    Voici un blues déchirant (le tandem magique Richards-Jagger a encore frappé !) sur le thème éternel de la femme "fatale". On n'écoutait pas toujours très attentivement les paroles, à l'époque, et c'est dommage. Car l'originalité est d'ici d'éviter le lamento du malheureux, victime d'une garce intégrale, mais de le transposer chez son (meilleur) ami  sur l'air de "Je te l'ai avais bien dit !".

    Quand il voit arriver cette fille au bras de son copain, il sait qu'elle va le faire souffrir, il lui "donne juste un mois ou deux..."  Et ça finira par une saoulerie au fond d'un bar, inévitablement, parce qu'on ne peut pas se passer du sexe ("the bedroom blues").

    Dans une interview, Jagger déclare que c'est l'oeuvre de Richards et qu'il n'y a jamais rien compris. On veut bien. L'écriture est en tout cas exemplaire, non dénuée d'humour lorsque, sortant un cliché usé, Keith le commente aussitôt lucidement "I can't resist a corny line" ! Toutes les paroles ne sont pas faciles à traduire, j'avais trouvé le texte en français sur le Net, recherchez-le, si vous voulez, c'est assez utile.

    Quant à la musique, entêtante, elle est riche de l'influence revendiquée du gospel, et transfigurée par une orchestration savante, avec des moments incroyables comme la reprise avant le dernier couplet, juste après le pont choral. Une émotion digne des cinq notes des Beatles entre les deux parties de A DAY IN THE LIFE.

    Et puis, cerise sur le gâteau pour moi et quelques autres, parmi les choristes il y a le Dr.John en personne, et on distingue parfaitement sa voix !

     

    Paroles

    Who's that woman on your arm
    All dressed up to do you harm
    And I'm hip to what she'll do,
    Give her just about a month or two.

    Bit off more than I can chew
    And I knew what it was leading to,
    Some things, well, I can't refuse,
    One of them, one of them the bedroom blues.

    She delivers right on time, I can't resist a corny line,
    But take the shine right off you shoes,
    Carryin', carryin' the bedroom blues.

    In the bar you're getting drunk,
    I ain't in love, I ain't in luck.
    Hide the switch and shut the light,
    Let it all come down tonight.
    Maybe your friends think I'm just a stranger,
    Some face you'll never see no more.
    Let it all come down tonight.
    Keep those tears hid out of sight,
    Let it loose, let it all come down.
    Let it loose, let it all come down.
    Let it loose, let it all come down.
    Let it loose, let it all come down.

     


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  • HEY YOU WOMAN

    Michel Polnareff  (1970)

    Il y aurait beaucoup à dire et à écrire sur l'ambiguïté sexuelle qui reste probablement le thème majeur de Polnareff. Celui-ci reste lié à celui de ses relations avec les femmes, ou la Femme. Devant l'embarras du choix, j'ai sélectionné HEY YOU WOMAN d'abord à cause de son ampleur . On aura remarqué ma prédilection pour les chansons qui sonnent comme des hymnes... en l'occurrence, celui qui écoutera le texte découvrira ici, sous les apparences d'une rengaine pop, une profession de foi misogyne d'une surprenante violence.

    D'emblée, on entre dans le vif du sujet. La femme est un vampire, une prédatrice, avec cette allusion aux roses qui reviendra dans I LOVE YOU BECAUSE ("... tu es la seule qui n'aime pas les roses"). Le piège se referme : "J'ai vécu deux ans dans un réfrigérateur". La cohabitation, le mariage, l'illusion, et tout ce qui se cache sous le mythe romantique de l'Amour, riche de toutes les duperies et de toutes les mystifications.

    Polnareff se lance un description hallucinante de ce cauchemar-là, qui s'achèvera pourtant sur une note révélatrice. Car comme l'a bien démontré Alain Paucard dans son ELOGE DE LA MISOGYNIE, celle-ci n'est que le fruit d'une profonde et cruelle déception.

     

    Paroles

     

    Il faisait nuit quand elle est arrivée sur moi
    J'ai vu seulement des yeux et des dents qui brillaient.
    J'aurais dû me méfier
    Me faire assurer sur la vie
    Contre le vol et l'incendie
    La grêle, la Révolution
    Acheter un pistolet, un canon
    Bref : faire quelque chose.
    Et moi je lui ai acheté des roses ! Des roses !

    J'ai passé deux ans dans un réfrigérateur
    Oh bien sûr, je n'ai manqué de rien,
    J'avais ma bouteille de lait tous les matins
    Mais ça fait froid au coeœur
    Et ça rend méchant un réfrigérateur.
    C'est elle qui avait les clés
    Je n'avais le droit de sortir qu'en hiver, jamais après minuit.
    C'est à cette époque-là que j'ai commencé à la détester.

    Horrible monstre
    Mélange de toutes les beautés
    De toutes les horreurs du monde
    De Vénus à la Joconde
    De Viviane à Mélusine
    De Cléopâtre à Messaline
    De la fée Carabosse à Dracula
    Me prenant tentaculairement
    Buvant jusqu'au moindre globule rouge de mon sang
    Voilà ce qu'elle était.
    Et moi l'idiot qui la détestais
    Je l'aimais ! Je l'aimais !

    Il faudra quand même un jour
    Toi la femme qui m'a tout donné
    Tout pris tout redonné
    Tout repris
    Que tu paies le prix
    De cette mélo tragédie
    Il faudra que veux tu ?
    Un beau jour que je te tue
    Par petits morceaux
    D'abord je tuerai ta férocité
    Et puis ta vanité
    Et puis ta malhonnêteté
    Et puis ta rapacité
    Et puis ta perversité
    Ta frivolité
    Ton infidélité
    Ton hérédité
    Ton absurdité
    Ta partialité
    Ton immoralité
    Jusqu'à ce qu'il ne reste plus
    Que ta virginité
    Ta féminité
    Ta frigidité,
    Ta divinité
    Et ton é-ter-ni-té.


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