• CET ENFANT QUE JE T'AVAIS FAIT

    Brigitte Fontaine & Jacques Higelin  (1968)

    Chansong 102

    Ce duo mémorable figure sur le mythique album BRIGITTE FONTAINE EST... FOLLE. La musique est d'Higelin, les paroles de BF elle-même. Etrange chanson, "dialogue de sourds" dont l'insolite est magnifié par une interprétation impeccablement juste, elle même soutenue par une orchestration étonnante (ah, ces choeurs !).

    Difficile bien sûr, sans doute inutile, voire contre-productif, de commenter un texte savamment conçu pour intriguer, et qui y parvient en douceur. Fontaine et Higelin avaient déjà été cités ici (Chansongs 49 et 85) mais leur rencontre, sous l'égide du label Saravah fondé par Pierre Barouh, a quelque chose de miraculeux que je vous laisse (re)déguster sans plus m'attarder...

     

     

    Paroles

    Lui:

    Cet enfant que je t'avais fait
    Pas le premier mais le second
    Te souviens-tu?
    Où l'as-tu mis, qu'en as-tu fait
    Celui don't j'aimais tant le nom
    Te souviens-tu?

    Elle:
    Offrez-moi une cigarette
    J'aime la forme de vos mains
    Que disiez-vous?
    Caressez-moi encor' la tête
    J'ai tout mon temps jusqu'à demain
    Que disiez-vous?

    Lui:
    Mais cet enfant, où l'as-tu mis
    Tu ne fais attention à rien
    Te souviens-tu?
    Il ne fait pas chaud aujourd'hui
    L'enfant doit avoir froid ou faim
    Te souviens-tu?

    Elle:
    Vous êtes tout à fait mon type
    Vous devez être très ardent
    Que disiez-vous?
    Je crois que je n'ai plus la grippe
    Voulez-vous monter un moment
    Que disiez-vous?

    Lui:
    Mais je t'en supplie, souviens-toi
    Où as-tu mis ce bel enfant
    Te souviens-tu?
    Je l'avais fait rien que pour toi
    Ce bel enfant au corps tout blanc
    Te souviens-tu?

    Elle:
    Ah vraiment tous mes compliments
    Mais arrêtez je vous en prie
    Je n'en puis plus
    Vous êtes tout à fait charmant
    Mais ça suffit pour aujourd'hui
    Que disiez-vous?

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  • ANNE, MA SOEUR ANNE

    Louis Chedid   (1985)

    Chansong 101

    Pour situer historiquement les choses, c'est en juin 1984 que le Front National réalise une percée sérieuse en frôlant les 11% des voix aux élections européennes. La chanson de Louis Chedid, connu surtout alors comme étant le fils d'Andrée, pas encore le père de Mathieu, sort en 1985.

    La trouvaille sémantique est de joindre, via le prénom Anne, la citation du conte de Perrault ("Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?") et la référence à Anne Frank, la "petite fille martyre", auteur du célèbre Journal écrit dans un "placard" d'Amsterdam.

    Chedid ne mâche pas ses mots. Traumatisé par ce succès croissant du FN, il invoque une "nazi-nastalgie" qui ferait hurler, aujourd'hui, les artisans et adeptes de la "dédiabolisation"... Inutile de se leurrer, sa cible est évidente : "Elle a pignon sur rue, des adeptes, un parti...". Cependant, alors qu'aujourd'hui une Marine Le Pen menace de porter plainte contre quiconque qualifierait le FN de parti d'extrême droite, personne n'a cillé. Chedid a évité tout procès en se gardant tout simplement de nommer le Front National. Celui-ci eût été mal inspiré d'avouer qu'il s'était reconnu...

    Louis Chedid ne se contente pas de polémiquer, multipliant les allusions au IIIe Reich ("Croix gammées, bottes à clous, et toute la panoplie..."), il s'attaque aussi clairement à l'attitude irresponsable des médias qui, pour faire de l'audience, ont alors tendu la courte échelle à la formation lepéniste en invitant son leader et en lui donnant largement la parole ("Beaucoup trop d'indulgence et de bonnes manières!"). Chanson datée donc, inséparable de son contexte, et pourtant tellement actuelle sur le fond.

     

    Paroles

    Anne, ma sœur Anne,

    Si j’ te disais c’ que j’ vois v’nir,
    Anne, ma sœur Anne,
    J’arrive pas à y croire, c’est comme un cauchemar...
    Sale cafard!

    Anne, ma sœur Anne,
    En écrivant ton journal du fond d’ ton placard,
    Anne, ma sœur Anne,
    Tu pensais qu’on n’oublierait jamais, mais...
    Mauvaise mémoire!

    Elle ressort de sa tanière, la nazi-nostalgie:
    Croix gammée, bottes à clous, et toute la panoplie.
    Elle a pignon sur rue, des adeptes, un parti...
    La voilà revenue, l’historique hystérie!

    Anne, ma sœur Anne,
    Si j’ te disais c’ que j’entends,
    Anne, ma sœur Anne,

     

    Les mêmes discours, les mêmes slogans,
    Les mêmes aboiements!

    Anne, ma sœur Anne,
    J’aurais tant voulu te dire, p’tite fille martyre:
    "Anne, ma sœur Anne,
    Tu peux dormir tranquille, elle reviendra plus,
    La vermine!"

    Mais beaucoup d’indifférence, de patience malvenue
    Pour ces anciens damnés, au goût de déjà-vu,
    Beaucoup trop d’indulgence, trop de bonnes manières
    Pour cette nazi-nostalgie qui ressort de sa tanière... comme hier!

    Anne, ma sœur Anne,
    Si j’ te disais c’ que j’ vois v’nir,
    Anne, ma sœur Anne,
    J’arrive pas à y croire, c’est comme un cauchemar...
    Sale cafard!
     




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