• Chansong 11

    BALLADE DES PLACES DE PARIS

    Georges Brassens  (....)

    C'est une chanson de 1905, signée Lucien Boyer (paroles) et Adolf Stanislas (musique) dont les Frères Jacques ont fait un succès en 1949. Je l'ai découverte dans cette interprétation de Brassens, lors d'une émission du samedi de Philippe Meyer ("La prochaine fois je vous le chanterai", France-Inter), mais ça ne se trouve pas sur disque et j'ignore la date de cet enregistrement (si quelqu'un peut m'éclairer...).

    Cette suite de tableaux décrivant l'itinéraire d'une "cocotte" de la Belle-Epoque, d'une place de Paris à l'autre, a quelque chose de pathétique, voire de déchirant lors de sa chute - c'est le cas de le dire, après l'ascension... J'imagine que "la place Maube" c'est bien sûr la place Maubert. Parfaitement construite et écrite, cette ballade bénéficie d'une musique très entêtante (Méfiez-vous...).

    Une perle de la chanson réaliste dans la veine d'Aristide Bruant. Comme chez lui, on prononce "Montmertre" et non Montmartre comme dans certaines interprétations qu'on peut entendre sur Youtube.

     

    Paroles 

    Ça naît un beau soir sur la Butte,
    Ça vient on ne sait trop comment,
    Et puis d’cabrioles en culbutes,
    Ça tombe dans les bras d’un amant.
    Un joyeux petit gars d'Montmertre,
    Pour deux ronds de frites un beau jour,
    L’initie aux choses de l’amour,
    Place du Tertre.

    Comme on n’peut pas vivre sans galette,
    Un jour qu’on n’a rien à briffer,
    On s’en va vendre des violettes
    A la terrasse des grands cafés.
    La frimousse est plutôt pas mal,
    Et tente le pinceau d’un rapin,
    Alors on pose les « Diane au Bain »,
    Place Pigalle.

    La peinture c’est beau mais c’est triste,
    Car ça manque un peu d’essentiel,
    Faut pas compter sur un artiste
    Pour se meubler chez Dufayel,
    On a d’la poitrine et des hanches
    Et l'on produit son petit effet,
    Alors sur l’coup d’minuit on fait,
    La place Blanche.

    Puis pour un nom à particule,
    On change le sien  trop roturier,
    On brode une couronne majuscule
    Sur son bicéphale armorié.
    On s’appelle Gisèle de Brantôme,
    Ou Sophie de Pont-à-Mousson.
    Et l'on promène son écusson,
    Place Vendôme.

    Mais ça dure qu' le temps d’un caprice,
    Inconstant, Paris s’est lassé
    Et passe  à d’autres exercices,
    Délaissant  le joujou cassé.

    C'est alors qu'le bourgeois vous loge

    Tout en lésinant sur les frais

    Dans un vieil hôtel du Marais

    Place des Vosges

    Mais l'bourgeois qu'est plein de principes

    Vous quitte pour raison de santé

    Tout ce q''on a de meubles et de nippes   

    S'en va finir au Mont de Piété

     

    On d’vient « la fée au maillot jaune »
    Qu’admirent sur les tréteaux forains
    Les artilleurs du fort voisin,
    Place du Trône.
     


      

    Puis viennent la débauche et la boue,
    L’amour, ah ! quel métier d’enfer !
    Et le dernier acte se joue
    La nuit sur un trottoir désert.
    Dans les fumées glacées de l’aube
    Comme on ramasse un chien crevé,
    On l’a r’trouvée sur le pavé,
    D’la place Maube.


  • Commentaires

    1
    Sylvain GAREL
    Dimanche 23 Août 2015 à 20:58

    Très belle chanson de Brassens que je ne connaissais pas. Pour moi, qui habite depuis des décennies à "Montmertre", elle est encore plus remarquable. Une précision : Dufayel (troisième strophe) est l'ancien nom d'un des premiers grands magasins de Paris dont les immenses bâtiments se trouvent rue Clignancourt. Après avoir abrité le siège social de la BNP (qui a connu une grande grève au début des années 70, menée par la jeune Arlette Laguiller), la majorité du bâti a été transformé ces dernières années en logements sociaux.

    2
    Dimanche 23 Août 2015 à 21:17

    Excellente précision, merci Sylvain !

    3
    Logette
    Samedi 29 Août 2015 à 09:52

    Se souvenir que les magasins Dufayel ont inauguré une pratique peu fréquente, en offrant des séances de cinéma gratuites à leurs clients, entre avril 1896 et l'été 1914. Séances essentiellement destinées aux enfants pour que les parents puissent faire leurs achats tranquillement. On y passait des Max Linder et des Jean Durand (témoignage familial).

    4
    Samedi 29 Août 2015 à 15:03

    Je reçois cette précision de Lucien Logette :

    Commentaire (outre celui à propos de Dufayel) : la Maube est bien la place Maubert, qui était au début du siècle, un des endroits les plus crades de Paris - malgré le bld St-Germain et le percement de la rue Lagrange en 1890 - aussi crade que le quartier St-Séverin décrit par Huysmans. Et ça a duré jusque dans les années 50, où la rue Maître-Albert était encore un coupe-gorge (enfin, elle en avait l’apparence). Jacques Yonnet a fait quelques belles pages sur le lieu dans Rue des Maléfices.

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    5
    Brice
    Lundi 11 Janvier 2016 à 00:04

    Bonjour,

    Cette chanson se trouve sur l'album posthume Georges Brassens chante Bruant, Colpi, Musset, Nadaud, Norge de 1983. La chanson, sous le titre Places de Paris y est attribuée à Bruant...

    L'enregistrement a été effectué au domicile de Georges Brassens, rue Santos Dumont, de mars à juillet 1979 par Europe N°1 pour les émissions "Pirouettes".

    Vous pouvez retrouver cette chanson dans le livre de Jean-Pierre Vernet intitulé Georges Brassens ...chante Aristide Bruant sous le titre De place en place (mais bien attribuée à Boyer... c'est un coup à se perdre !).

    Bravo et merci pour le site !

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